G. Estébé / P. Monnet (0/2) Cannes 07
G. Estébé / P. Monnet (0/2) Cannes 07
Voici une partie que j’ai intégralement suivie sur le vif. Elle a ensuite été discutée collectivement.
C’est une partie intéressante sur le plan stratégique qui permet de reviser deux thèmes de la partie classique : le pionnage sur l’aile, mais surtout l’anticipation du blocage par enchaînement au détriment de la partie qui n’a pas de temps de réserve.
Il faut, ici, à peu près, rappeler le très beau commentaire introduisant l’étude de la partie classique chez J.-P. Dubois (MAITRISE DU JEU DE DAMES, FFJD Lyon 2005). Le système classique se caractérise par un enchaînement réciproque du centre. Les positions se différencient par les temps de réserve et les possibilités de jeu sur l’aile.
Ce rappel est important pour comprendre les qualités et les faiblesses dans les fragments qui vont être commentés.
C’est à partir du 28e temps que j’ai trouvé les possibilités d’orientation spécialement intéressantes. Voici la position, le trait est aux blancs.
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DIAG 1°)
Les noirs viennent de jouer le coup 27. ….. 21-26. Les blancs ont la possibilité d’orienter amplement la partie, voire d’imposer un léger contrôle centrale.
28. 31-27
Rien à redire, le choix ici est essentiellement une question de goût !
28. ……… 8-12
29. 36-31 26X37
30. 42X31 1-7
31. 31-26 3-8
32. 40-34 12-18
33. 43-39
Cela donne le Diagramme n°2.
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Ce mouvement me semble pouvoir être considéré comme indolent… Plus agressif aurait été 33. 26-21, susceptible de provoquer des approximations ou erreurs en face. On se serait aussi trouvé dans la théme du gambit éventuel du pion 21, les blances se préoccupant avant tout d’occuper les cases 30 et 29 pour enchaîner l’ensemble des pièces centrales noires, imposant une série de manœuvres délicates pour les blancs.
33. ……..20-25
34. 48-43 15-20
Le choix 15-20 est difficile à estimer. C’est un coup fréquent dans les positions fermées. Il est destiné à prévenir le pionnage 34-30. Dans une situation ouverte comme celle-ci, je pense qu’il est très faible. Il ne gêne même pas le pionnage 34-30 si on se place dans l’hypothèse du jeu débridé qui s’en serait suivi avec des temps de repos aisés à exploiter et donc un pionnage facile à effectuer au moment propice. En revanche, ce choix 15-20 est susceptible de pousser les blancs à la faute dans des situations qui commencent à sentir la fin de partie avec la fatigue et le chrono qui jouent des tours.
35. 28-22 ??
Première faute, ou du moins sérieuse approximation de la partie. Les blancs ont-ils vraiment pesé les conséquences de ce coup ? Au moment où Estébé l’a joué, il lui restait beacoup de temps (environ 35mn +1 mn/ coup). Il a pris le temps de réfléchir. Qu’est-ce qui a pu le pousser à effectuer un choix si baroque ? Il disposait de la simplification par pionnage 27-22 qui lui permettait de conserver une menaçante colonne de pionnage formée des pions 34, 39 et 43. Il pouvait même se permettre le luxe ded jouer directement 27-21, avec en perspective la réponse 45-40 en cas d’attaque noire 11-16. Certes 45-40 est très inesthétique. Mais la symétrie du pion 40 avec le pions 20 aurait été parfaite et la partie se serait poursuivie de manière équilibrée.
35. ……. 7-12 !
Coup fort et logique. La domination des noirs est désormais avérée, mais le gain n’y est pas encore !
Voici désormais la position.
36. 33-28 ??
Cette fois-ci, il s’agit d’un suicide. On voit assez facilement qu’il n’existe pas de contre jeu à l’enchaînement 12-17. Pourquoi alors jouer ce coup sans espoir ?! Le plus étonnant est que, cette fois-ci, Estébé avait joué après quelques secondes de réflexion à peine !
Il disposait pourtant d’une possibilité relativement aisée de remise en pionnant 36. 34-30. L’attaque du pion 30 est interdite ; quant à la réaction 12-17, elle aurait été contrée par 32-28 suivi de 30-25… Je qualifie cette possibilité remise aisée en ce sens que les blancs étaient sure un rail et qu’il était obligatoire d’examiner la possibilité de pionner par 34-30.
Une autre possibilité de remise a été signalée par P. Monnet durant les discussions après partie. Mais elle me semble difficile à prendre en compte en partie dans la mesure où elle implique une perte de pièce directe sans que la compensation apparaisse dans un premier temps. Elle demande donc un effort plus profond dans le calcul.
Il s’agissait de l’étonnant 36. 26-21 ! Très bien pensé en effet !!
36. …….12-17 !!
37. 39-33 25-30.
Gain
A vrai dire, désormais, les noirs avaient le choix de la méthode pour gagner.
L’agressivité et l’initiative ont payé, comme c’est souvent le cas. Cela est justice. Il faut en effet dire que le coup 34. …… 15-20 de Pierre Monnet a dû surprendre et démoraliser Gabriel Estébé, le fameux coup de massue qui vous laisse ensuite complètement déboussolé !
C’est une très belle et instructive séquence de jeu.
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