Une partie intéressante A. CORDIER - I. KIRZNER
Au cours du zonal de Korbach,Arnaud s’est illustré dans sa partie contre le GMI ukrainien Igor KIRZNER.
Après un début standard, une lutte pour l’occupation du centre s’engage. Généralement, ce type de jeu conduit à des séquences stéréotypées avec des nulles plutôt ennuyeuses.
Exceptionnellement, cette partie sort du lot et se révèle très intéressante.
Dans cette partie, Arnaud parvient à occuper le centre, puis il commence son travail de sape en posant quelques problèmes de développement à son adversaire. Après quelques imprécisions qui permettent à Arnaud d’accentuer la pression, Igor KIRZNER accumule les erreurs et finit par concéder un avantage positionnel suivi de la perte d’un pion et de la partie.
Après un début on ne peut plus conventionnel, 34-29 (19-23) 40-34,etc. on parvient au 9e temps à la position suivante :
Trait aux blancs
L’occupation du centre est le principal but dans ce type de partie :
9. 32-28 23x32
10. 37x28 19-23
11. 28x19 14x23
Après cette première série d’échanges, les Noirs se maintiennent au centre.
12. 35-30
Evidemment, un coup typique dans ce genre de position.
Trait aux noirs
12… 10-14
Sur (16-21) 30-25 pose immédiatement des problèmes.
Après (20-25), le débat est sûrement ouvert pour choisir entre 31-27x37 et 30-24. J’ai personnellement une préférence pour 31-27x37 (10-14) [(17-22) 40-35 etc.] 30-24 etc.
13. 31-27 22x31
14. 26x37
Cet échange est souvent adopté dans ce genre de position car il élimine le pion central 22 et ramène le pion 26 au centre.
14… 17-22
Les Noirs occupent à nouveau le centre. Rien n’est acquis.
Trait aux blancs
15. 37-32 11-17
A mon sens un choix lourd de conséquence. Il est toujours plus difficile pour les Blancs de reprendre le centre lorsque la case 17 reste libre.
16. 42-37 ! 20-25
Après (22-27x27), les Blancs semblent garder l’initiative par 30-24 (20-25) [pour éviter 24-19 et 38-32] 33-28 (22x33) 39x28 etc.
17. 30-24 14-20
18. 36-31 !
Progressivement, les Blancs poursuivent leur but de reprendre le centre et d’immobiliser l’aile droite des Noirs.
18… 13-19
19. 24x13 8x19
20. 32-28 23x32
21. 37x28 20-24
22. 29x20 25x14
Trait aux blancs
Les Blancs ont pris le centre, mais cela peut être provisoire et il n’est pas question d’avantage. Il est même certain que si les Noirs parviennent à reprendre le centre, leur aile droite sera du même coup libérée et pèsera fortement sur le jeu des Blancs. De plus, les pions blancs trop ramassés sur l’aile droite ne leur permettront pas d’obtenir un contre jeu satisfaisant.
23. 38-32
Peut-être une imprécision. 41-36 qui permet de retarder la sortie (4-10) semble préférable.
23… 16-21 ? !
Les Noirs se trompent d’objectif. La sortie du pion 16 a du sens lorsqu’elle permet d’exercer une pression sur le pion 28. Il était plus juste de jouer (4-10) puis (19-23x23) et je ne vois pas comment les Blancs peuvent obtenir un avantage. La formation du faux Marchand de bois ne paraît pas tenable à terme.
24. 41-36 ! 21-26
25. 47-42 26x37
26. 42x31
Trait aux noirs
Les Noirs sont à présent sous pression. Il leur est difficile de trouver un bon développement. La tenaille 32-27 ou le renforcement du centre pour les Blancs sont à prendre en compte.
26… 4-10
Les Noirs sortent un pion de base important sans espoir de reprendre le centre. Contre la tenaille 32-27, le plan de jeu usuel est de construire une flèche 15-20-24.
27. 48-42 2-8
La sortie d’un second pion de base important. Les Noirs s’exposent.
Pourtant (19-23x23) ne résout rien en raison de 34-29x29 puis 32-28
D’autre part, après (3-8) 42-37 (9-13) 32-27 (19-23x23) 34-29x29, (13-19) est interdit par 27-21, 37-32 et 29-23.
Enfin, après (3-8) 42-37 (19-23x23) 34-29x29 (17-21) suit 32-28 (12-17)f 37-32 (21-26) puis 27-21 et 28-23 avec dame à 5
Ces variantes illustrent les problèmes de développement que rencontrent les Noirs.
28. 42-37 6-11
Sur (19-23x23) peut suivre une jolie variante combinatoire par 34-29x29 (17-21) 32-28 (12-17)f 37-32 (21-26) 29-23 ! (18x29) 44-40 (22x35) 31x4 B+
Une défense possible est (9-13) 32-27 (3-9) 37-32 (19-23) 28x19 (13x24) 43-38 (14-20) 49-43 etc.
29. 31-26 11-16
30. 37-31
Les Blancs menacent à présent de prendre la position du Marchand de Bois avec des menaces de combinaison à 2
Trait aux noirs
30… 18-23
Après (9-13) 32-27 (19-23x23) 34-29x29 (7-11) 43-38 B+1p.
Sur (19-24) suit le coup de dame 28-23 et 34-29 etc.
31. 34-29 23x34
32. 40x29
Et le retour sur la case 18 ou l’occupation de la case 20 sont interdits par 29-23 ou 29-24 etc.
32… 19-24
Après (9-13) 45-40 (3-9) 40-35 (19-24x24) 28-23 gagne le pion car l’attaque (13-18) est interdite par 33-29, 32-27 etc.
Pourtant (9-13) 45-40 (3-9) 40-35 (19-24x25) semble préférable.
33. 29x20 15x24
34. 28-23 ! 10-15
35. 43-38
Un coup subtil. Les Noirs semblent pouvoir jouer (8-13) mais après 44-40, ils ne peuvent toujours pas attaquer le pion 23 par (13-18) en raison de 32-28 puis 38-32 et ils ne peuvent pas non plus continuer par (24-30) à cause du gambit 27-21 et 32-27 etc.
35… 14-19
36. 23x14 9x20
Les Blancs ont à présent obtenu un avantage positionnel. Ils ont ensuite gagné la partie. La partie entière est reproduite sur le site http://wikidames.wikispaces.com/actualit%C3%A9s#korbach - ronde 3.)
Par bikindouadelin
– le 01/12/12
à 12h30
Monsieur Dubois,
J'ai lu avec intérêt votre analyse de cette partie, intéressante à plusieurs vues.
Nous avons vu ici une (nouvelle) illustration du caractère ou nature profondément stratégique de ces parties qu'on s'accoutume à subsumer sous la théorie des parties fermées, parties dans lesquelles toute erreur d'appréciation, contrairement à ce qui ce qui passe dans le cadre des positions dites classiques, a des conséquences importantes.
Dans cette partie, il est constant que le GMI Kirzner s'est trompé plus d'une fois, ce qui est irritant à ce niveau de compétition.
Vous n'avez pas noté que l'erreur fondamentale d'orientation commise par Kirzner se situe au niveau du 21ème temps, lorsqu'il a pris l'option d'un pionnage via 20-24, alors qu'à cette heure le seul puissant jeu à sa disposition découlait de la variante 16-21; cette variante aurait ouvert sur une toute autre partie, dans la mesure où le GMI Cordier aurait été mis sous la pression de parer à la menace d'une recherche par son adversaire d'une réelle centralité positionnelle. Au 21ème temps, Kirzner a donc fait un choix de jeu non seulement discutable mais encore hautement contestable.
Sinon, vous êtes pleinement fondé à relever que le choix du jeu 16-21 par Kirzner au 23ème temps est discutable. A mon avis, à cette heure, ce n'est pas réellement une faute, mais pas non plus la meilleure option. Kirzner a très probablement alors été impressionné par la structure de la position qui semblait réunir les conditions d'une création par Cordier d'un jeu d'enchaînement de son aile gauche. On peut approuver sa décision, certes discutable, dès lors qu'elle n'aboutit aucunement à une fragilisation définitive de sa position.
Le jeu 04-10 de Kirzner au 26ème temps s'impose, c'est-à-dire qu'il est mécanique. Je ne pense pas, contrairement à ce que vous estimez, qu'il s'inscrit dans un projet de reconquête du centre : ce jeu a pour principale visée d'empêcher Cordier de pouvoir le mettre sous la pression d'un terrible enchaînement au centre.
Au 28ème temps, le jeu 06-11 choisi par Kirzner est approximatif : à cette heure, il aurait dû recourir à la variante de temporisation 09-13, éventuellement suivie, selon la réponse de Cordier, de la varinte 03-09 ou, effectivement, de la fameuse variante 06-11.
Je ne suis pas allé plus profond dans l'analyse de la partie après la séquence résultant du jeu retenu au 28ème temps par Kirzner, car la partie est alors devenue moins intéressante techniquement, ayant perdu de son intérêt stratégique.
En conclusion, dans cette partie, il faut revenir au 21ème temps, où Kirzner aurait dû opter pour la variante 16-21. L'orientation ultérieure de la partie est déterminée par l'erreur fondamentale commise par Kirzner en optant pour le faible et stupide pionnage via 20-24.
Dans cette partie, finalement d'école, le mérite de Cordier a été de s'en tenir à son plan de jeu initial visant à créer dans la mesure du possible une centralité positionnelle, à la faveur d'une structure voulue fermée très tôt. Kirzner s'est lourdement trompé au 21ème temps. Si Cordier doit être félicité, c'est d'avoir rendu les choses plus compliquées pour son adversaire, dès cette erreur fondamentale d'orientation.
Cordialement.
Le mot du président