Retour sur le cht du Monde : J. M. NDJOFANG
Je reviens avec un peu de retard sur ce championnat du monde 2013, en m’intéressant au parcours atypique de Jean-Marc NDFOGANG.
Ce championnat du Monde 2013 a été une réussite, tant sur le plan technique que sur l’aspect émotionnel, avec de nombreux rebondissements. Tous les commentaires parus sur ce forum en témoignent. Que Georgiev en soit sorti vainqueur, confirme sa supériorité et sa forme du moment. La seconde place est partagée entre le Camerounais Jean-Marc NDJOFANG et le Hollandais Roel BOOMSTRA avec chacun 14 points. Le départage est en faveur de Jean-Marc en raison du plus grand nombre de victoires. Il est désigné comme le futur challenger pour rencontrer Alexander GEORGIEV.
Le palmarès de J. M. NDJOFANG est éloquent avec 325 victoires sur 792 parties recensées sur toernooibase, soit 40% de gain et 90 parties perdues, 11%.
Ses résultats contre les plus forts joueurs actuels sont les suivants :
Contre GEORGIEV : 13 parties – 6 perdues – 7 nulles
Contre CHIZHOV : 13 parties – 4 perdues – 9 nulles
Contre SCHWARZMAN : 19 parties – égalité entre perdues et gagnées
Contre GETMANSKI : 10 parties - égalité entre perdues et gagnées
Contre BALIAKIN : 18 parties - égalité entre perdues et gagnées
Contre BOOMSTRA : 10 parties – 2 défaites – 8 nulles
Tout cela démontre à l’évidence que Jean-Marc NDOFANG compte parmi les plus forts joueurs actuels.
Je vous propose à présent un tour d’horizon des parties qu’il a gagnées et perdues en phase finale :
Lors de la première ronde, il était opposé à Edvard BUZINSKIJ, une partie que j’ai déjà commentée dans un précédent post.
Dans la deuxième ronde il rencontrait Artem IVANOV, un joueur réputé pour sa solidité.
B. IVANOV – J.M. NDJOFANG
Position au 24e temps
Trait aux noirs
La position est parfaitement équilibrée avec seulement 2,5 temps d’avance en faveur des Blancs. A ce stade, on peut parler de position neutre, avec déjà 18 pions qui ont disparu du damier. Les Blancs ont joué ce début en 20 minutes et les Noirs en trois quarts d’heure.
24…. 14-19
25. 50-44 13-18
26. 49-43 9-13
Ce déplacement latéral (13-18) avec (9-13) est venu ajouter un pion sur l’aile droite des Noirs. Le rééquilibrage pourrait se faire si les Blancs avaient la faculté de jouer 33-28.
27. 42-38 5-10
28. 47-42 10-14
Les 2 derniers coups des Noirs ne sont pas anodins. Puisque les Noirs ont la suprématie sur leur aile gauche, ils doivent assurer le contrôle du jeu sur l’autre aile.
Le dernier coup des Blancs 47-42 affaiblit une case damante importante.
Trait aux blancs
Imperceptiblement, la position se modifie en faveur des Noirs. Les Blancs rencontrent le problème de devoir s’engager les premiers tandis que les Noirs les attendent patiemment.
On remarque que sur 32-27x37, les Noirs reviendraient immédiatement occuper la case 22 afin d’éviter le développement 33-28.
32-27x27 serait difficile à exploiter. Pourtant, moins il y a de pions sur le damier et plus les faiblesses positionnelles sont déterminantes. La présence des 2 pions 27 et 29, et surtout l’inutilité du pion 26, deviendraient des éléments importants dans l’appréciation de la position.
29. 32-28 1-6
30. 28x17 12x21
31. 26x17 11x22
Trait aux noirs
Toujours rien de décisif. Les Blancs n’ont pas progressé sur leur aile droite et ils ont joué du côté fort adverse. On note à présent 4 pions noirs (6-8-18-22) contre 3 pions blancs (36-38-42).
32. 38-32 8-12
33. 42-38
Après 32-28, il y a une jolie variante par (12-17) 38-32 (14-20) 36-31 (3-8) 38-32 (20-24x24)
Diagramme analyse A
Trait aux blancs
Et si :
• 32-27 (19-23) 28x30 (17-21) 27x16 (22-28) 33x22 (18x36).
• 31-26 (18-23) 26-21 (17x26) 28x17 (23-29) 17-12 ou ? (29x40) 12x3 (6-11) etc. N+
• 31-26 (18-23) 45-40 (23-29) 43-38 (24-30) etc.
• 39-34 (18-23) 33-29 (24x33) 28x39 (22-28) 34-29 (28x26) 29x9 (8-13) 9x18 (26-31) avec une fin de partie nulle de justesse après 39-34 (11-37) 34-30 (37-41) 30-24 (19x30) 18-13 etc.
Revenons à la partie :
33. … 3-8
34. 45-40 6-11
Trait aux blancs
35. 40-35
Un coup relativement incompréhensible car anti-positionnel. Il reste une heure et quart aux Blancs à ce moment-là pour jouer 15 coups. Ils n’ont consacré que 6 mn à l’examen de cette position. 32-28 s’imposait avec l’idée principale suivante :
(11-16) 28x17 (12x21) 33-28 (14-20) 38-33 (19-23) 28x19 (13x24) 36-31 et il n’y a pas de gain, (8-13) laissant directement une petite combinaison par 31-27 (21x32) 33-28 (32x45) 44-40 (45x34) 39x8.
35. … 14-20
36. 32-28
Les Blancs ont à présent réfléchi 50 mn avant de jouer 32-28, mais c’est trop tard.
Sur 36-31 suit simplement (11-16) avec la menace positionnelle (22-27)
Après 39-34 (19-23) 32-27 (22x31) 36x27 (11-17) 44-39 les Noirs attaquent à contre temps par (17-22).
36. … 12-17
37. 38-32 11-16
38. 32-27 22x31
39.36x27 19-23
40.28x19 13x24
Trait aux blancs
Les Noirs ont très subtilement amené une position gagnante.
41.43-38 20-25
Sur l’attaque (17-22) suivait 27-21 et 38-32
42.29x20 15x24
La menace (17-22) est à présent bien réelle.
43. 33-28 16-21
44. 27x16 18-23
45.28x30 25x32
Blancs abandonnent.
La troisième ronde contre Yuriy Anikeev s’est soldée par une nulle dans le classique.
Dans la quatrième ronde, Jean-Marc a chuté contre Joël ATSE, le joueur à mon avis le plus passionnant de ce championnat.
Trait aux blancs
Jean-Marc prend ici l’initiative par :
20. 29-23 18x29
21. 34x23 19x28
22. 32x23 12-17
23. 31-27 22x31
24. 36x27 21x32
25. 38x27
Grace à l’occupation simultanée des 3cases 23, 25 et 27 les Blancs ont en principe une position offensive prometteuse.
25. … 7-12
26. 33-28 17-21
27. 42-38 21x32
28. 38x27 12-18
29. 23x12 8x17
Trait aux blancs
Les Noirs ont éliminé le pion « écharde » 23 et font pression sur la case 22.
30. 28-23
Les Blancs en demandent beaucoup à la position et s’exposent à un encerclement. Le Retour en 23 sans garantie de maîtriser la case 27 est dangereux.
Une suite comme 39-33 (13-18) [sur (20-24) l’avancée 27-22 est possible] 48-42 (20-24) 43-38 aurait obligé les Noirs à jouer juste pour éviter que les Blancs ne s’imposent au centre.
30. … 17-21
31. 37-32 11-17
32. 41-37 13-19
33. 46-41 19x28
34. 32x23 21x32
35. 37x28 9-13
36. 39-33 16-21
37. 43-38 21-27
38. 44-39 20-24
39. 40-35 6-11
40. 39-34 11-16
41. 34-30 13-19
42. 23-18 3-09
43. 48-43 16-21
Force le gain du pion
44. 18-12 etc.
Les Blancs ont abandonné au 48e temps
La cinquième ronde s’est également soldée par une perte, contre Alexei CHIZHOV.
Trait aux blancs
CHIZHOV a poursuivi ici par :
30. 37-31 !
Ce coup menace directement du gain de pion 31-27 suivi de 33-29.
Sur l’attaque (21-26), les Blancs ripostent par le coup de dame 28-22 (26x48) 33-29 (24x42) 43-38 (42x33) 39x28 (48x30) et si (2-7) suit 28-23 (20-24) 22-17 etc.
30…. 2-7
31. 31-26 9-13
32. 26x17 11x22
A noter que sur (12x21) 34-30 (25x34) 39x30 (20-25) suit la combinaison 38-32 (25x34) 32-27 (21x23) 33-29 (24x33) 44-39 (33x44) 49x9 (8-13) 9x18 etc.
33.28x17 12x21
Les Blancs ont à présent forcé le passage sur l’aile droite par :
34. 34-30 25x34
35. 39x30 20-25
36. 44-39 25x34
37. 39x30 7-12
38. 43-39 21-27
39. 39-34 13-18
40. 34-29 12-17
41. 29x20 15x24
42. 33-29 24x33
43. 38x29 17-22
44. 30-25 27-31
45. 36x27 22x31
46. 25-20 31-36
47. 20-15 36-41
48. 42-37 41x32
49. 15-10 18-22
50. 10-04 22-28
51. 29-23 6-11
52. 23x14 32-37
53. 4-36 B+
Lors de la sixième ronde, Jean-Marc a remporté sa partie contre Alexander SCHWARZMAN dans des conditions que j’ai déjà présentées.
Septième ronde : nulle égale contre Alexander GEORGIEV
Huitième ronde : gain contre Erdenebileg Dul
Trait aux noirs
Un plan de jeu offensif connu mais plus efficace en présence d’un pion noir en 26 et d’un pion blanc en 37.
Erdenebileg Dul a joué ici :
23. 10-14
24. 35-30 5-10
25. 30-25 20-24
26. 33-29 24x22
27. 27x29
Trait aux noirs
27… 21-26
Un recentrage par (19-23x23) semblait plus approprié. Le pion 21 est plus utile en 21 qu’en 26. Les Noirs choisissent de jouer de manière inexplicable « à l’écarté ».
28. 42-37 19-24
29. 29x20 15x24
30. 38-33 10-15
31. 31-27 14-20
32. 25x14 9x20
33. 33-28 3-09
34. 48-42 20-25
35. 39-33 7-11
36. 44-39 13-18
37. 50-44 8-13
38. 42-38 9-14
39. 40-35 14-19
40.34-29
Les Blancs ont concrétisé leur avantage au 55e temps
9e ronde : gain contre Alexander Getmanski
Trait aux blancs
Bien que rien ne soit encore définitif, les Blancs (Alexander Getmanski) sont peu inspirés en jouant :
22. 32-28 8-12
23. 41-36 9-13
24. 39-34 13-18
25. 45-40 4-10
26. 38-32 14-19
27. 25-20 24-30
28. 34x25 15x24
29. 37-31 26x37
30. 42x31 10-15
Trait aux blancs
31. 40-34 ?
32-27 était indispensable pour maintenir l’équilibre.
31. … 16-21
32. 31-26
Après 31-27 (22x31) 36x16 (15-20) 25x23 (18x27) les Blancs ne peuvent empêcher le débordement.
32. .. 15-20
Blancs abandonnent.
Ce tour d’horizon est à présent terminé. Je conclurai en souhaitant tous mes vœux de réussite au nouveau challenger.
Jean-Pierre DUBOIS
Par bikindouadelin
– le 12/07/13
à 20h44
Bonjour Jean-Pierre,
Les parties de Jean-Marc Ndjofang par vous sélectionnées illustrent merveilleusement la façon dont celui-ci conduit de plus en plus ses parties : jeu offensif reposant sur une combinaison de la recherche de la centralité positionnelle et de celle du placement du pion taquin. Ainsi, le jeu de Ndjofang, tout en se rattachant au système de jeu de Tchizov, s'en différencie quelque peu, ce dernier se refusant à considérer que le placement d'un pion taquin soit nécessaire pour créer une structure avantageuse. En tout cas, le jeu de Ndjofang est un jeu du centre, à l'instar des jeux de Tchizov, de Anikiev et de Virny - étant précisé que ce dernier, au contraire des trois premiers, pratique parfois un jeu d'encerclement.
Vous avez raison de donner le tableau des résultats des confrontations de Ndjofang avec chacun des meilleurs damistes du moment.
Ce n'est pas un tableau encourageant pour Ndjofang, tant il en ressort qu'il accuse un important retard sur trois desdits damistes, cependant qu'il n'est au mieux qu'à égalité avec les trois autres. L'objectif à court terme de Ndjofang est donc de remporter une victoire face à Georgiev, Tchizov et Boomstra, champions qu'il n'arrive toujours pas à battre. D'entre ces trois GMI, Georgiev et Boomstra sont ceux que Ndjofang pourraient battre plus aisément, si l'on tient compte de leurs façons de jouer respectives.
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Si Ndjofang possède un style de jeu agréable et ambitieux, vous avez raison, Jean-Pierre, de souligner également les risques auxquels il s'expose parfois en raison de son caractère de damiste allant. Ainsi, dans votre annotation de la partie perdue par Ndjofang face au GMI ivoirien Atsé et considérant la décision du jeu 28-23 prise par le Camerounais au 30ème temps, vous écrivez : "Les Blancs en demandent beaucoup à la position et s’exposent à un encerclement. Le Retour en 23 sans garantie de maîtriser la case 27 est dangereux".
Je suis pleinement d'accord avec vos vues. Ndjofang peut parfois entrer en succombance à cause de son jeu. Dans cette séquence de jeu fort opportunément choisie par vous, on voit Ndjofang, porté par son radical esprit offensif, chercher à avancer à tout prix vers l'adversaire sans s'assurer des conditions pour réaliser, en cas de nécessité, un repli. Ainsi, à cette cruciale heure, Ndjofang recourt au jeu 28-23, alors que c'est la variante 40-34 qui est préférable. Il est permis de soutenir que si Ndjofang n'a pas opté pour cette variante, c'est parce qu'il l'a probablement considérée comme un simple jeu d'attente de nature, dans son esprit, à apporter un frein à l'exécution de son plan d'attaque. Or, loin d'être un jeu d'attente, la variante proposée avait l'avantage de conférer une réelle flexibilité à la position de Ndjofang sans lui enlever son tournant offensif.
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Les difficultés rencontrées par Ndjofang face à Atsé dans la maîtrise de son jeu avancé augurent des problèmes que le super GMI Georgiev, autrement redoutable, pourrait lui poser dans le match mondial qui vient. C'est ici qu'il importe de rappeler le caractère radicalement opposé du style de Georgiev à celui de Ndjofang : si le Camerounais est adepte d'un jeu résolument offensif (recherche systématique de la centralité positionnelle, augmentée d'une recherche de placement du pion taquin), le Russe, ordinairement, pratique ce que, ici même, j'ai cru devoir caractériser comme un jeu d'attente prolongée, façon de jouer relativement à laquelle j'ai également proposé une systématisation.
Ce match challenge promet beaucoup, si l'on considère que Ndjofang ne doute jamais de son jeu, cependant que Georgiev est sûr de lui.
Mais je pense que Ndjofang, comme Souleymane l'a écrit, devra également axer ses entraînements sur les structures du jeu classique, sachant que Georgiev lui est inférieur dans ce domaine.
Le mot du président